Message du G.I.C. aux I.W.W. (1928)

À la conférence des I.W.W. du 11 novembre 1928 à Chicago.

Camarades !

Le « Groep van Internationale Communisten » de Hollande apporte par la présente ses salutations aux camarades révolutionnaires des I.W.W. et vous souhaite une discussion en toute camaraderie, qui puisse mener à une position renforcée dans la lutte de classe pour la destruction du capitalisme et la fondation de l’association des producteurs libres et égaux.

Après la vague de soulèvements révolutionnaires en Europe, les prolétaires ont été battus ; le communisme, qui semblait pouvoir être réalisé en quelques années vers 1918, ne vit apparemment plus que dans les vastes perspectives de l’histoire. Les masses sont revenues à la méthode sociale-démocrate de la politique de parti et à la « lutte pour le pain » selon l’ancienne tactique syndicale.

Bien qu’il ait semblé que le capitalisme allait s’effondrer, il s’est tout de même rétabli, du moins sur le plan politique. Les chaînes de l’esclavage salarié sont plus solides que jamais. Les différentes conférences capitalistes internationales des chefs d’État, la Société des Nations, sont toutes des expressions d’une concentration politique internationale des États dans le but de mettre en place un pouvoir politique capitaliste international contre le prolétariat.Nous savons tous que les phénomènes politiques sont les reflets des phénomènes économiques. Dans ce cas, c’est le reflet de la formation de trusts internationaux, de la concentration économique capitaliste internationale, qui forme un puissant front économique mondial contre la révolution prolétarienne. C’est le sens de l’appel général à la démocratie, à la paix mondiale et au désarmement ; ce sont les phrases enchanteresses sous le masque desquelles s’accomplit l’organisation de la contre-révolution.

Il est triste de devoir constater à quel point les masses prolétariennes sont prisonnières de ces illusions démocratiques, ce que l’on peut considérer comme la plus grande victoire jamais remportée par le capitalisme moderne. La classe capitaliste a assujetti les forces naturelles : l’air et l’eau, la vapeur, le magnétisme, l’électricité, toutes les forces mécaniques, et les a mises à son service. Mais la force naturelle « vivante », la force de travail de la classe prolétarienne, n’était pas soumise, parce que cette classe était en opposition irréconciliable avec ceux qui revendiquaient seuls les avantages des forces mécaniques. La victoire des phrases démocratiques est la soumission de la force naturelle « vivante », afin de l’intégrer comme un outil consentant dans le système capitaliste.

La force naturelle « vivante » est principalement incarnée par le mouvement ouvrier démodé des partis sociaux-démocrates et des syndicats. Ces organismes ne pensent pas un seul instant à un renversement du capitalisme et à la destruction du système salarial. Leur raison d’être est la collaboration entre le travail et le capital ; ils sont devenus de grands trusts entre les mains de leurs propriétaires, les bonzes, pour la vente de la force de travail et de l’énergie politique. De même que l’appareil technique de production est un instrument de parasitisme, les partis sociaux-démocrates et les syndicats sont l’instrument de l’arrivisme, des intérêts personnels des bonzes. C’est ainsi que l’on peut expliquer comment, ici en Europe, on a procédé partout à des réductions de salaires, à l’allongement de la journée de travail, à l’augmentation de l’exploitation par la « rationalisation », avec l’aide des partis et des syndicats sociaux-démocrates, malgré la résistance de leurs membres.

La Troisième Internationale est totalement intégrée dans ce front de la contre-révolution. Les masses qui quittent le front social-démocrate et syndical sont récupérées par les soi-disant « partis communistes » et, sous le masque de la « formation de cellules », sont repoussées avec des phrases révolutionnaires vers le front désespéré de la contre-révolution. L’objectif de la Troisième Internationale n’est pas la destruction, l’anéantissement, mais le maintien du principal point d’appui de la domination du capital. Sa tactique est uniquement dictée par les nécessités du capitalisme d’État russe, pour lequel une révolution mondiale n’est qu’un handicap. La Russie a besoin d’une coopération avec les États capitalistes du monde pour son « économie nationale ». Ce sont les lois du mouvement d’une économie fondée sur la propriété foncière privée et le capitalisme d’État. C’est pourquoi elle pousse sans cesse les masses mécontentes, par des slogans faussement révolutionnaires, vers le front syndical, qui s’oppose sans équivoque à tout mouvement révolutionnaire, si nécessaire avec des canons, des bombes et des mitrailleuses, tout comme l’État capitaliste. Le rôle joué par Moscou en Asie s’inscrit parfaitement dans ce système et est l’un des plus vils jamais réalisés.

Le mouvement syndicaliste européen s’est retrouvé sur une voie de garage en raison de l’évolution du capitalisme. Ses objectifs sont, comme il y a des années, l' »amélioration des conditions de travail » directe, ce qui le place en même temps en concurrence directe avec les « syndicats marxistes ». Les organisations syndicalistes veulent atteindre leurs objectifs par des méthodes révolutionnaires ; elles ne veulent pas utiliser la collaboration entre le travail et le capital, mais la grève comme leur arme. Mais la pratique de la lutte des classes a déjà prouvé qu’elles ne peuvent pas apparaître comme un facteur révolutionnaire. La manière dont la force de travail se réalise sur le marché n’est déterminée ni par la volonté de la classe capitaliste, ni par celle des organisations syndicalistes ou autres. C’est la concentration technique du capital qui détermine la manière dont les conditions de travail sont fixées. Lorsque le capital est concentré, la force de travail ne peut être vendue que par le biais de conventions collectives, par la collaboration entre le capital et le travail. Les organisations syndicalistes se plaignent de plus en plus d’être exclues de cette collaboration. C’est pourquoi elles se rapprochent de plus en plus des méthodes réformistes de bonzes de la collaboration de classe. L’i.a.a. de Berlin en est un exemple parlant. Elle ne se distingue de l’ancien mouvement syndical que par la parlote.

Une renaissance complète est nécessaire pour le mouvement prolétarien moderne en Europe. La tactique de la lutte des classes doit se baser sur la structure économique et technique du capitalisme. Cette structure a complètement changé après la guerre. Si vous étudiez les statistiques de production, vous remarquerez que les chiffres ont tous baissé pour l’Europe et augmenté pour l’Amérique. De plus, l’Europe n’est plus qu’une colonie de banquiers américains qui, chaque jour, font affluer dans leur coffre-fort un flux d’argent de 10 millions de dollars en tant qu’intérêts des emprunts d’État européens. En bref, le centre du capitalisme s’est déplacé de l’Europe vers l’Amérique, l’Europe ne peut pas maintenir sa position sur le marché mondial, la ligne du développement capitaliste en Europe va vers le bas.

Cette évolution a ses conséquences pour la classe prolétarienne. Nous avons ici 10 millions de chômeurs qui ne seront plus jamais repris dans la production, alors que la direction du développement capitaliste détermine que la lutte pour « l’amélioration des conditions de travail » est devenue dans l’ensemble complètement utopique. La classe prolétarienne ne peut s’attendre qu’à une oppression plus grande que jamais.

C’est pourquoi nous devons cesser d’entretenir les illusions syndicales. L’idéologie syndicale détourne l’attention des véritables problèmes de la lutte des classes moderne et des véritables objectifs du communisme. Nous sommes confrontés à la dure bataille de la défaite du capitalisme sans aucun compromis. Dans la lutte de classe quotidienne, nous devons toujours essayer de briser le front syndical de la collaboration de classe, en poussant les grèves menées par les travailleurs eux-mêmes contre les syndicats, qu’ils soient syndicalistes ou non. Dans cette lutte, nous devons construire notre Union générale des travailleurs selon le système des soviets, afin de renverser le capitalisme et d’établir l’association de producteurs libres et égaux.

D’après les discussions dans l’Industrial Worker, vous savez comment, en Allemagne, les germes d’une telle union générale sont présents comme un succès du mouvement révolutionnaire de 1919-1923. En Autriche, en Tchécoslovaquie et en Hollande, la propagande pour l’auto-action et l’auto-direction de la lutte des classes bat son plein, et il est caractéristique de voir comment les syndicats s’opposent à nous dans ce domaine.

Nous savons très bien que notre lutte sera dure et que la classe prolétarienne n’aura pas une « grande » organisation en quelques années. Mais nous considérons que la conscience de classe et la capacité d’action personnelle ont plus de valeur que la croissance rapide vers une grande organisation ; car la libération de la classe ouvrière ne peut être que l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.

Camarades des I.W.W. : Nous avons essayé de vous donner un aperçu de la façon dont nous voyons les choses en Europe et nous espérons que cela pourra être utile pour la connaissance du mouvement prolétarien européen moderne dans le contexte de vos discussions dans l’Industrial Worker.

Bureau international du Groupe des communistes internationaux (de Hollande)

(Source : Pressedienst der g.i.k., Nr. 5 vom 25. Oktober 1928)

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